Dossier : comprendre le stress humanitaire

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Nous abordons ici à travers deux documents un sujet important : le stress des acteurs humanitaires. Nous publions l’introduction de l’étude « Les expatriés dans la tourmente. Le stress humanitaire » d’Evelyne Josse, ainsi que l’intégralité de ce travail en version PDF .

« Les expatriés dans la tourmente. Le stress humanitaire », une étude d’Evelyne Josse

Le stress est un phénomène naturel, normal et utile à la survie. Il libère l’énergie et procure la motivation nécessaire pour faire face aux situations difficiles et pour relever des défis. Les stress cumulatif et traumatique sont par contre potentiellement destructeurs. Mission après mission, les expatriés s’exposent de façon répétée à des situations hautement stressantes, voire traumatiques.

Affectés dans des pays ravagés par la guerre ou par des catastrophes naturelles, ils peuvent être directement confrontés à des situations qui mettent leur vie en péril ou être témoins d’exactions cruelles. Ils viennent en aide à des populations en détresse et éprouvent souvent des émotions intenses en raison même du contexte de leur travail (populations en détresse, décimées par des épidémies, souffrant de la misère et de la faim ; victimes gravement blessées, très mutilées et personnes décédées, parfois en masse ; vision apocalyptique de nombreuses destructions, désorganisation, etc.).

Par ailleurs, la situation d’expatrié (séparation d’avec la famille, modification majeure du mode de vie, confrontation à une culture différente, etc.), la charge de travail et les conflits au sein de l’équipe entraînent une souffrance plus fréquente et plus difficile encore à juguler.

D’autres facteurs peuvent contribuer à la souffrance du personnel humanitaire. Parmi ceux-ci, soulignons l’importance des facteurs organisationnels (préparation de l’expatrié à son lieu d’affectation et à ses responsabilités professionnelles, règles régissant la communication et la prise de décision, gestion des équipes par les responsables, soutien technique de la part des superviseurs, etc.).

De plus, des difficultés personnelles peuvent se surajouter aux causes de stress professionnel, fragilisant encore l’équilibre émotionnel de l’expatrié (conflits conjugaux, soucis concernant la famille ou les amis restés au pays, maladies, etc.). Le retour dans le pays d’origine, qu’il soit volontaire ou contraint par les circonstances (par exemple, suite à une évacuation), qu’il soit transitoire (entre deux missions) ou définitif, représente pour les intervenants humanitaires un nouveau défi et les confronte à de nouvelles sources de stress, généralement peu pressenties (réintégration au sein de la cellule familiale et sociale pouvant s’avérer plus complexe qu’attendu, confrontation à un quotidien considéré comme banal, recherche d’un emploi et d’un logement, etc.).

Lorsque le stress négatif des équipes sur le terrain n’est pas reconnu, les risques sont multiples tant au niveau individuel que collectif. En effet, il est la cause des problèmes de santé les plus fréquemment observés chez les expatriés(1), avant le paludisme et les maladies liées à l’eau ou à l’hygiène de l’environnement. Une personne en stress dépassé peut souffrir de symptômes somatiques ainsi que d’une détresse psychique importante (dépression, trouble anxieux, etc.) la poussant parfois à quitter prématurément la mission, voire à démissionner de l’organisation(2). Elle peut manifester des troubles du comportement suscitant ou exacerbant des conflits au sein de l’équipe et l’amenant à prendre des risques inconsidérés pour elle-même et pour autrui (proximité sexuelle, accidents de la route, comportement provocateur, consommation abusive de substances psychoactives, etc.). Son efficacité professionnelle va progressivement se détériorer(3), hypothéquant la qualité de son projet, voire de la mission entière. Ce guide a pour but d’informer de faire prendre conscience des différentes formes et facteurs de stress dont peuvent souffrir les expatriés.

Evelyne Josse : Psychologue, hypnose, EMDR, EFT – Consultante en psychologie humanitaire, Responsable du comité communication pour EMDR-Belgium.

(1)D’après une étude récente, un tiers des expatriés récemment rentrés de mission montrent des signes significatifs de stress (Ehrenreich J. H. (2005), « The humanitarian companion »)
(2)Selon une étude du CICR, il conduit à une fin anticipée pour 40% des expatriés (Bierens de Haan B., Van Beerendonk H., Michel N. et Mulli J.-C. (2002), « Le programme de soutien psychologique des intervenants humanitaires du Comité International de la Croix Rouge »)
(3)Toujours selon l’étude du CICR, une personne sur quatre (26%) a vu sa capacité professionnelle sévèrement réduite en raison du « stress des humanitaires ». (Bierens de Haan B., Van Beerendonk H., Michel N. et Mulli J.-C. (2002), « Le programme de soutien psychologique des intervenants humanitaires du Comité International de la Croix Rouge »).

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La rédaction de Grotius International.

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