En France : le nouveau Mesnil-Amelot… Le camp de la honte

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Le «Mesnil-Ameolt II», qui va prochainement ouvrir près de l’aéroport de Roissy, sera le plus grand centre de rétention administrative (CRA) de France. D’une capacité de deux cent quarante places, il pourra accueillir des hommes et des femmes mais aussi des enfants. «Portes hachoirs» actionnées par une tour de contrôle, caméras de surveillance, détecteurs de mouvements sur les grillages, barbelés, interphones : tous ces moyens modernes de sécurité et de surveillance ne feront que renforcer la déshumanisation des lieux.

Le décret du 30 mai 2005 limite la capacité d’accueil des CRA à cent quarante personnes par centre. Or, le nouveau Mesnil contient deux structures de cent vingt places chacune que l’administration prétend être indépendantes l’une de l’autre. De nombreux indices montrent qu’il s’agit pourtant d’un seul établissement, d’un seul camp.

Ce nouveau Mesnil a été divisé en deux structures contiguës. Celles-ci seront cependant entourées d’une seule enceinte et reliées par une passerelle de quelques mètres qui enjambera une simple route. Cette sorte de mirador sera occupée par les forces policières. Il n’existera qu’un seul chemin de ronde pour les deux structures et une entrée unique dont l’accès sera autorisé par un service de garde. Les deux chambres d’isolement se trouveront dans une seule structure.

L’ensemble du camp sera placé sous la responsabilité d’une seule personne supervisant les forces de police qui auront vocation à intervenir dans les deux zones.

Dans son rapport publié en 2008, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, marquait son inquiétude pour ces extensions et cette «fiction de plusieurs centres placés dans un même lieu».

À cette question de la légalité du camp vont s’ajouter des difficultés concernant notre mission d’aide à l’exercice effectif des droits des personnes retenues, pourtant rappelée par le tribunal administratif de Paris et par le Conseil d’État lors du contentieux qui a opposé La Cimade et ses partenaires associatifs au ministère de l’Immigration. En effet, les personnes retenues ne pourront pas circuler librement dans le camp. Pour pouvoir rencontrer les intervenants de La Cimade, de l’OFII[1] ou du service médical, elles devront demander la permission aux policiers via un interphone et une caméra.

Et ce sont eux qui, depuis leur tour de contrôle, décideront de l’ouverture des portes. Tout cela pour deux cent quarante personnes, ce qui signifie environ sept mille étrangers par an, quarante nouvelles arrivées par jour, vingt entretiens quotidiens pour chacun des intervenants de La Cimade, soit seulement une dizaine de minutes à consacrer à chaque retenu pour tenter de faire valoir ses droits.

Un tel camp ne pourra fonctionner qu’au mépris du respect des droits et de la dignité des personnes qui vont y être enfermées. Son dispositif carcéral va engendrer une déshumanisation des relations. Avec, par conséquent, le risque d’un retour des violences : automutilations, grèves de la faim, tentatives de suicide. Ce constat est déjà fait dans les autres grands CRA de France.

S’opposer à l’ouverture de ce camp, c’est défendre les droits fondamentaux des personnes retenues. C’est dans ce contexte que La Cimade et d’autres associations ont lancé une campagne de dénonciation contre la prochaine ouverture de ce camp au Mesnil-Amelot [2].

[1] Office français de l’immigration et de l’intégration
[2] Voir www.lacimade.org/minisites/mesnil2

Stefano Rega

Stefano Rega

Intervenant de La Cimade au centre du Mesnil-Amelot I.

Stefano Rega

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