Francopol, une police francophone au service de la démocratie et de l’État de droit

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L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est devenue, au fil des années, un acteur important dans la défense de la démocratie et des droits de l’Homme. Parallèlement à cette prise de position marquée de l’Organisation, plusieurs réseaux institutionnels affiliés à l’OIF dans des domaines comme la justice, la protection des droits de l’Homme et la sécurité ont vu le jour au cours des dernières années.

En matière de développement des meilleures pratiques policières, un de ces réseaux institutionnels, FRANCOPOL, agit justement comme un agent de changement créant un pont entre les objectifs stratégiques de l’OIF et les acteurs opérationnels des polices et gendarmeries francophones. Créé en 2008 par 13 organisations policières et de gendarmerie francophones, ce réseau vise le partage et le développement de la formation, ainsi que le renforcement des capacités policières. À la suite de sa création, FRANCOPOL a été reconnu comme membre des réseaux institutionnels de la Francophonie et ses actions sont supportées par l’OIF. Le présent article a pour objectif de présenter la contribution de FRANCOPOL au renforcement des capacités policières, qui est fondée sur la promotion des valeurs démocratiques et la défense de l’État de droit. Ces valeurs sont au cœur des actions du réseau. Elles ont d’ailleurs une place importante dans la contribution et le support que ce dernier désire apporter aux efforts de déploiement des policiers et gendarmes francophones au sein d’opérations internationales de paix.

La promotion de la démocratie et de l’État de droit

Le développement des positions de l’OIF sur les questions de démocratie et de promotion des droits de l’Homme s’est fait progressivement. Ces fondements ont notamment été confirmés lors de la Déclaration de Bamako (2000) « qui rend la Francophonie  » indissociable  » de la démocratie et de l’État de droit »[1]et fixe plusieurs objectifs prioritaires comme « l’aide à l’instauration et au développement de la démocratie, la prévention des conflits et le soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme »[2]. La Déclaration de Saint-Boniface (2006), réitère l’importance de la sécurité préventive et répond au principe de responsabilité de protéger les populations touchées[3]. Ces déclarations entament ainsi un important tournant favorisant l’avènement de la démocratie et la protection des droits de la personne. En plus de cet engagement, l’OIF a également pris position sur l’importance de la participation aux opérations internationales de paix. En outre, lors du Sommet de la Francophonie tenu à Québec en 2008, les dirigeants francophones, dans la Déclaration de Québec se sont mis d’accord pour :

 » Mettre en œuvre de façon beaucoup plus vigoureuse le dispositif des déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, et l’assortir d’engagements concrets, notamment par les mesures suivantes : […] renforcer les capacités des États francophones en matière de maintien de la paix, et les encourager à fournir à l'[Organisation des Nations unies] (ONU) et aux organisations régionales compétentes, dans la mesure de leurs moyens, des contingents francophones (militaires, policiers et civils) afin d’accompagner les transitions et de consolider la paix.  »

Ces différentes prises de position sont complémentaires et ont été accompagnées d’efforts institutionnels et de mise en place de projets concrets qui ont donné à la Francophonie un statut d’acteur crédible, légitime et engagé au sein des opérations de paix [4]. Pour sa part, l’engagement à déployer davantage de militaires, policiers et civils sur les théâtres d’opérations de paix francophones est bien sûr tributaire des efforts des pays contributeurs.

Les réseaux institutionnels de la Francophonie

En parallèle à ces efforts multilatéraux, des réseaux institutionnels francophones ont vu le jour au cours des dix dernières années et sont maintenant affiliés à l’OIF. Parmi ces réseaux, mentionnons l’Association francophone des Commissions nationales des droits de l’homme (AFCNDH), l’Association internationale des Procureurs et Poursuivants francophones (AIPPF), l’Association des Ombudsmans et Médiateurs de La Francophonie (AOMF), le Réseau francophone de diffusion du droit (RF2D), ou encore le Réseau des compétences électorales francophones (RECEF).

Au service de la démocratie et de la promotion de l’État de droit, ces réseaux développent des formations, encouragent le partage de meilleures pratiques, créent des outils de gestion ou encore permettent une standardisation des normes au sein de la Francophonie. Parmi ceux-ci, celui qui nous intéresse plus particulièrement est FRANCOPOL. Ce réseau de partage des connaissances policières entre les différents pays francophones a été créé en 2008 à la suite des pourparlers entre des responsables québécois et français. Le réseau a pour objectif de créer des ponts entre les organisations policières et les écoles de police francophones en mettant l’accent sur l’échange des meilleures pratiques. Convaincu que le partage de la langue française et de valeurs communes facilite le dialogue et la coopération, FRANCOPOL est un organisme de coopération qui a pour mission de favoriser la mise en commun des meilleures pratiques, ainsi que des recherches et des réflexions en matière de formation et d’expertise policières.

FRANCOPOL est donc un lieu d’échange qui permet d’améliorer la cohérence des actions en sécurité publique. Dans cet esprit, le réseau contribue à une Francophonie plus engagée sur l’axe paix, démocratie et droits de l’Homme par des actions visant le renforcement des capacités en matière policière. En plus du partage des connaissances et la mise en place de formation, le réseau s’est donné comme objectif de contribuer au développement des organisations policières francophones par l’accroissement des échanges d’informations et d’expertise sur des sujets touchant cette communauté

Le système de valeurs du réseau est cohérent avec les valeurs institutionnelles de la Francophonie. En effet, FRANCOPOL se définit comme une association apolitique dont les membres soutiennent le droit et le développement d’une police démocratique, professionnelle et axée sur le service aux citoyens. Aussi, les membres s’engagent à respecter la diversité culturelle et à mettre de l’avant les plus hauts standards en matière d’éthique, de démocratie et de respect des droits humains. À l’heure actuelle, le réseau compte une quarantaine d’organisations membres en provenance de quinze pays francophones d’Europe, d’Amérique et d’Afrique.

Une grande partie des actions de FRANCOPOL se font par l’entremise de ses comités techniques formés d’experts travaillant sur une thématique d’intérêt policier. Les sujets traités par ces comités d’experts sont par exemple la cybercriminalité, le comportement policier, l’approche par compétences, le lien police et citoyen et la participation policière aux opérations de paix.

Au cours de la dernière année, FRANCOPOL a ainsi organisé un nombre significatif de formations, colloques, séminaires où sont conviés des policiers et gendarmes des quatre coins de la Francophonie, ainsi que des chercheurs et des représentants du milieu universitaire. Notons par exemple pour l’année en cours, l’organisation d’un atelier de travail sur l’audition de l’enfant victime qui a eu lieu en France, la participation à deux projets d’appui au renforcement de la police de proximité en Tunisie et l’organisation d’un colloque sur la cybercriminalité et d’un autre sur le comportement policier au Québec.

Par ce type d’activité, FRANCOPOL privilégie la production d’un contenu professionnel, axé sur les tendances les plus récentes en matière de sécurité publique. L’approche du réseau est axée sur le partage des connaissances et la multiplication des bonnes pratiques par la formation de formateurs qui pourront profiter d’outils pédagogiques mis à leur disposition. Depuis 2008, il est possible de constater, à la suite des sondages effectués auprès des utilisateurs de FRANCOPOL, que la majorité des activités ont suscité des réflexions importantes et permis la diffusion de meilleures pratiques dans près d’une cinquantaine d’organisations policières et de gendarmerie francophones.

La participation policière aux opérations de paix

Nous allons à présent nous attarder à un domaine particulier de la police francophone, soit le déploiement de policiers en opération de paix. Depuis 2010, FRANCOPOL se consacre à cet enjeu pour trois principales raisons. Premièrement, il s’agit d’une manifestation du travail de policier qui se consacre à la formation et au développement des compétences policières dans les pays qui se trouvent dans des situations instables ou de post-conflit. Pour accomplir cette mission, les policiers et gendarmes déployés doivent être bien préparés et bien formés. Ce travail cadre parfaitement avec les valeurs et objectifs du réseau qui sont le développement des compétences et pratiques policières dans l’ensemble de la Francophonie. Deuxièmement, ce transfert de connaissances et ce développement se doivent d’être faits selon des normes et pratiques démocratiques et axés sur le respect des droits de l’Homme. Finalement, il y a un besoin de mieux faire connaître le travail de policier en opération de paix et un apport du monde académique serait certainement bénéfique à cet effet.

La complexification des conflits a provoqué l’évolution de la nature et du mandat des opérations de paix de même que la mise en place de nouvelles formes d’intervention sur le terrain. Le plan de stabilisation et de consolidation de la paix dans les pays sortant de crise ou d’un conflit comprend désormais la restructuration de sécurité publique et la réforme de ses institutions. ‘L’expérience a démontré qu’assurer l’ordre public et établir les fonctions d’un service de police efficace et redevable sont des éléments […], indispensables au maintien et à la consolidation de la paix.»[5]

Cette tâche, anciennement réservée aux militaires, est aujourd’hui de plus en plus dévolue aux policiers. Cette force de police internationale rassemble des policiers provenant des quatre coins du globe au sein des missions de l’Union européenne (UE), l’Union africaine (UA) ou l’ONU. Depuis leurs premières participations aux opérations de paix, leur importance a grandi en nombre de même qu’en responsabilités.

Pour les missions onusiennes par exemple, 5840 policiers étaient autorisés à être déployés sur les théâtres d’opérations en 1995 alors qu’aujourd’hui, ce nombre s’élève à plus de 17 600 dont 7185 sont affectés aux missions francophones.[6] Le rôle de ces policiers peut varier d’une mission à une autre. Lorsque les services policiers locaux sont inexistants, ou considérés dans l’incapacité de faire leur mission, les UNPOL peuvent se voir accorder le mandat de les remplacer, comme ce fut le cas au Kosovo (MINUK), ou encore au Timor Leste (ATNUTO). Cependant, dans la majorité des missions, les policiers des Nations unies (UNPOL) conservent un rôle non exécutif.

Ce faisant, ils n’ont pas pour responsabilité d’appliquer directement la loi, mais plutôt d’agir à titre de mentors auprès des membres de la police locale : ils conseillent et forment les policiers locaux dans un but de professionnalisation. Le modèle policier mis de l’avant est un modèle de police professionnelle, au service des citoyens et capable d’offrir une lutte plus rigoureuse au crime qui favorisera de facto une confiance de la population envers les policiers, ce qui engendrerait presque naturellement une proximité avec la population locale engendrée par cette confiance nouvelle.[7] Les policiers internationaux sont également responsables de superviser le respect des droits de l’Homme, notamment, en termes de violence liée au genre que ce soit pour porter assistance aux victimes de violences sexuelles ou pour augmenter le sentiment de sécurité des femmes et des filles dans les camps de déplacés.

Pour toutes ces raisons, FRANCOPOL tente de jouer un rôle de plus en plus soutenu dans le domaine des opérations de paix. Cependant, ce rôle en est un de soutien et de conseil auprès des organisations qui déploient ou désirent déployer leurs membres au sein de théâtres d’opérations étrangers. Il s’agit d’un rôle indirect. Le but de FRANCOPOL est d’offrir des services de formation, conseil, recherche dans ce domaine, avec un soutien de la Francophonie. Le réseau est propice aux échanges sur les processus de recrutement, de sélection et de réintégration du personnel policier, à la création de liens avec le monde académique. De plus, il encourage la recherche universitaire sur le volet policier des opérations de paix et développe des formations à la préparation de policiers et gendarmes déployés sur un théâtre d’opérations.

Un exemple d’activité du comité technique est le colloque organisé en collaboration avec le Centre International de Criminologie Comparée (CICC) de l’Université de Montréal en mars 2011. Plusieurs praticiens et universitaires se sont ainsi réunis et ont exposé les problématiques et pistes de solution pour améliorer la participation francophone aux opérations de paix. Cette rencontre a mené à la parution d’un ouvrage de MM. Samuel Tanner et Benoît Dupont du CICC « Maintenir la paix en zones postconflit : les nouveaux visages de la police. »[8] Pour FRANCOPOL, l’amélioration de la participation francophone à ces opérations passe par l’augmentation des contingents francophones en nombre et aussi par la préparation, la formation et la sélection des candidats déployés.

En plus de ces actions qui se concentrent sur la préparation des effectifs de police et de gendarmerie, FRANCOPOL cherche donc à mettre en valeur le travail policier à l’international au sein des organisations. En effet, le rôle des policiers sur les théâtres d’opérations de paix est en croissance, mais ce travail de policier international demeure méconnu et peu étudié. La prochaine section vise à présenter ce rôle et à explorer les pistes de contribution future du réseau FRANCOPOL à l’égard des organisations qui désirent accroître ou améliorer leur processus de déploiement dans les divers théâtres d’opérations francophones.

En dépit du rôle important des policiers internationaux qui tend à répondre aux défis actuels posés par les opérations de paix, la situation de ce personnel déployé n’est pas idéale. D’abord, la constitution d’équipes de travail à partir de policiers provenant de cultures policières différentes entraîne des lacunes opérationnelles. « Ces lacunes opérationnelles résultent de faiblesses systémiques dans la manière dont les [policiers]… sont sélectionnés, recrutés, formés, et pourvus d’une orientation doctrinaire et politique efficace.»[9]L’ONU a non seulement besoin de spécialistes techniques, mais également de bons communicateurs et pédagogues en plus de policiers et gendarmes ayant une capacité d’adaptation hors pair afin d’évoluer dans un environnement culturellement différent du leur.

D’abord, FRANCOPOL a décidé d’apporter une contribution à la sélection et à la préparation des membres qui effectueront une première mission. Pour ces derniers, tout effort fait en amont, soit dans les pays déployant du personnel de police, sera bénéfique. Il faut d’ailleurs saluer les nombreuses initiatives de l’ONU, l’UE et l’UA en ce sens. En cohérence avec les efforts qui sont déjà en marche, FRANCOPOL propose de mettre à profit son réseau d’experts, des policiers et gendarmes actifs au sein des organisations nationales pour former le personnel en préparation pour un déploiement. Par exemple, à court terme, en partenariat avec l’OIF et le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU (DOMP), un séminaire sur la promotion des candidatures d’experts francophones au sein des opérations de paix de l’ONU à Ouagadougou au Burkina Faso les 14 et 15 novembre 2012. Cette session de formation et de sensibilisation a entre autres pour but de présenter les modalités de recrutement des policiers des Nations unies au profit du personnel concerné. Ce type d’expérience basé sur le partage et l’échange des meilleures pratiques sera des plus fructueux puisqu’il s’inscrit dans une démarche structurée, à l’image du rôle tenu par l’OIF dans ses engagements institutionnels. La déclaration du récent sommet de Kinshasa en est un vibrant exemple.

Déclaration de Kinshasa et perspectives d’avenir

La Déclaration de Kinshasa, énoncée dans le cadre du dernier Sommet de la Francophonie abonde en ce sens. En effet, elle réaffirme la « volonté d’améliorer les possibilités de participation de contingents de pays francophones aux opérations de maintien de la paix et [encourage] le développement des capacités civiles, militaires et de police francophones.»[10]

La Francophonie a évolué d’un outil de promotion et de coopération au service de la langue française dans le monde à une organisation qui use de son influence pour faire progresser la démocratie et l’État de droit. Quant à elles, les interventions sur les théâtres d’opérations de paix se développent pour répondre à des situations complexes qui nécessitent le maintien et la stabilisation de la sécurité publique. Les contingents de policiers et de gendarmes francophones s’engagent ainsi à rétablir l’ordre public et le sentiment de confiance des populations envers les organisations policières, de même qu’ils participent à la reconstruction des services de sécurité.

Alors que la relation entre les populations hôtes et les policiers internationaux évoluent pour répondre à des objectifs plus complexes de consolidation de la paix, une compréhension de la langue et de la culture locale est impérative en plus d’une plus grande coopération en termes d’application des stratégies.

FRANCOPOL concourt à améliorer l’impact de telles opérations en signifiant l’importance de déployer des ressources adaptées au terrain de même qu’en mettant à profit son réseau de concertation pour renforcer les candidatures d’experts francophones.

[1] La Francophonie des origines à nos jours,

[2]Déclaration de Bamako, 2000.

[3] La Francophonie des origines à nos jours, op. cit

[4] David, Morin, Lori-Anne Théroux-Bénoni & Marie-Joelle Zahar. « When Peacekeeping Intersects with La Francophonie : Scope, Significance and Implications. », International Peacekeeping, 19 :3, 287-300

[5] Philipp Rotmann, « Les polices dans les opérations de paix mondiales au 21e siècle : succès et défis », Policy Brief, October 2012, p.3.

[6] UN Police Magazine, « Policiers Francophones l’ONU a besoin de vous! », janvier 2012.

[7] Samuel, Tanner; Benoit Dupont. « Maintenir la paix en zones postconflit. Les nouveaux visages de la police. », Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2012 p.13.

[8] Samuel, Tanner; Benoit Dupont. « Maintenir la paix en zones postconflit. Les nouveaux visages de la police. » Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2012.

[9] Rotman, op.cit., p.3.

[10] Déclaration de Kinshasa, point 22, 2012.

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