L’information dans les contextes de crises humanitaires

0
207

tableau abstraitLes organisations humanitaires portent secours aux populations en danger dans les zones dévastées par les catastrophes naturelles et la fureur des combats, sur les chemins de l’exode et dans les camps de rescapés, de réfugiés et de déplacés. Jusqu’à il y a peu, l’assistance se portait en priorité vers les besoins vitaux tels que la nourriture, l’eau potable, les installations sanitaires, les soins de santé et les abris. Ces dernières années cependant, les acteurs humanitaires ont été de plus en plus interpellés par les répercussions des crises humanitaires sur la santé mentale et psychosociale des individus et des communautés.

Pour réunir les conditions d’un bien-être suffisant, les rescapés, les déplacés et les réfugiés doivent retrouver un univers sécurisant et maîtrisable. L’accès à une information pertinente joue un rôle non négligeable dans la reconstruction d’un quotidien prévisible et rassurant.

 
L’information est essentielle

Un des tous premiers besoins perçu comme vital est celui d’être informé. L’information procure un sentiment de maîtrise et de contrôle de la situation et réintroduit une certaine prévisibilité du futur. Une information pertinente permet ainsi de réduire sensiblement l’état de stress et la détresse des populations affectées par un incident critique. Il est donc essentiel de favoriser un accès maximal à des données utiles.

L’information doit répondre véritablement aux besoins de la population-cible, tenir compte de sa sensibilité culturelle ainsi que des circonstances particulières auxquelles elle est confrontée. Elle doit être complète, variée et correcte. Les messages doivent être transmis en termes simples et compréhensibles par les personnes concernées dès l’âge de 12 ans.

Quelles informations diffuser en urgence ?

Le type d’information dépend de la situation. Il est évident que les besoins des victimes d’attentat sont considérablement différents de ceux des rescapés jetés sur les routes de l’exil par la guerre ou de ceux de survivants d’un séisme restés sur les lieux du sinistre. Cependant, si la réponse à apporter est propre à chaque situation, les principes de base de l’information sont communs à de nombreuses situations d’urgence. Il est généralement judicieux de fournir des informations sur les événements (récents, actuels et attendus) et sur les mesures prises pour maîtriser la situation. Il est également utile de délivrer des renseignements pratiques et d’informer des réactions émotionnelles possibles. Voyons cela plus en détails.

L’information de crise et la communication des risques

On entend par communication de crise, l’information diffusée durant la période aiguë. Son objectif principal est d’informer la population concernée de la situation présente et de l’avenir immédiat. On veillera à transmettre des données sur :

–         Les événements : ce qui s’est passé, en quel lieu, le nombre approximatif de victimes, la prévision des événements futurs possibles, etc.

–         Les efforts entrepris pour assurer la sécurité physique de la population.

–         Le déroulement des activités de secours et humanitaires menées par le gouvernement, les autorités locales et les organisations d’aide (y compris les responsabilités et le rôle de chacune des institutions et organisations).

–         L’accès aux services d’urgence : les centres médicaux et hospitaliers, les hébergements d’urgence, l’organisation des relogements, les points de distribution d’eau, de nourriture, de vêtements, etc.

–         La situation des victimes : où ont-elles trouvé refuge, où sont hospitalisés les blessés, quelle est la gravité de leurs blessures, où sont déposés les corps des défunts, etc.

La communication des risques est indissociable de la communication de crise. Elle a pour but d’informer la population des risques éventuels qu’elle encoure (chimiques, épidémiques, sismiques, zones dangereuses occupées par des combattants armés, etc.) ainsi que des mesures à prendre et de la conduite à tenir dans des circonstances déterminées (par exemple, en cas de nouveau séisme, pour l’évacuation de la zone sinistrée ou à risque, etc.).

L’angoisse et les rumeurs alarmistes risquent de provoquer à tout moment des états de panique difficiles à contenir et susceptibles de gêner les activités de secours. Afin de prévenir de tels phénomènes, l’information de crise et la communication des risques sont essentielles. De plus, elles contribuent sinon à éviter, du moins à réduire, les conséquences néfastes d’un événement (par exemple, d’un attentat terroriste).

Les informations pratiques et organisationnelles

Les rescapés, les déplacés et les réfugiés doivent recevoir des informations sur l’organisation spatiale et temporelle des centres de transit, des camps et des sites d’accueil (plan, services disponibles, horaires des repas et des activités, etc.), les services disponibles hors des refuges (centre médical, services psychologiques, sociaux et juridiques, etc.), la ville, la région et le pays d’accueil (plan de la ville et du pays, culture, etc.), la situation sociopolitique (de la région, du pays d’accueil, du pays d’origine, etc.), etc.

Les informations psychoéducatives

Les informations psychoéducatives ont une visée pédagogique. Elles ont pour thèmes la nature et les causes d’une maladie, d’un problème ou d’une difficulté, les symptômes, les approches préventives et thérapeutiques, la prévention des rechutes, les conseils pratiques, les services d’aide existants, etc. Dans les contextes humanitaires, les causes de stress sont évidentes mais les personnes affectées ne perçoivent pas que leurs symptômes s’y rapportent. Il est donc important de leur délivrer des informations sur les signes de stress et les effets perturbants des événements traumatiques sur les enfants, les adultes, les familles et la communauté ainsi que sur les moyens de les surmonter.

Quelle information diffuser dans la phase de post-urgence ?

Dans la phase de post-urgence, on veillera à diffuser des informations générales sur le contexte, des informations pratiques et organisationnelles ainsi que des informations psychoéducatives.

Les informations générales sur le contexte

La population des hébergements collectifs doit être informée de la situation sociopolitique (de la région, du pays d’accueil, du pays d’origine, etc.), des dispositions prises ou prévues dans un avenir proche pour le refuge de résidence (aménagement, délocalisation, fermeture, etc.) ainsi que des personnes présentes dans l’hébergement collectif. Une liste, réactualisée hebdomadairement, reprenant les coordonnées des résidents (nom, date de départ et lieu de destination des personnes quittant le camp, etc.) devrait être accessible. Dans certains contextes, pour des raisons de sécurité, elle ne doit toutefois pas être affichée en permanence.

Les informations pratiques et organisationnelles

Les populations affectées devraient avoir accès à des informations:

–         sur le statut et les droits des déplacés et des réfugiés, les procédures pour l’obtention des documents d’identité, d’immigration (possibilité, démarches, aide délivrée par les organisations humanitaires, etc.), etc.

–         sur la recherche des familles : les informations utiles sur l’agence responsable de la recherche des familles(1), les critères pour enregistrer une demande de recherche, la liste des personnes recherchées, le relevé des radios émettant des messages de recherche ainsi que leur fréquence d’émission, la procédure et l’horaire pour envoyer un appel sur leurs ondes, des journaux, des photos, des affiches, etc.

–         sur les différents organismes internationaux (UNHCR, CICR, UNICEF, etc.) présents dans le camp et la région (mandat, services offerts, etc.).

–         sur les aides disponibles au sein et à proximité du refuge (distribution de vivres et d’articles non alimentaires, soins médicaux, psychiatriques et psychologiques, services sociaux et juridiques, etc.), l’horaire des services (y compris les permanences de nuit), etc.

–         sur les activités sociales, festives, sportives, religieuses, etc. organisées au sein du camp (programme, horaire, lieu, etc.).

–         les règles de secours en cas d’incendie.

–         etc.

Les informations psychoéducatives

Les rescapés doivent être informés des moyens de gérer leur stress et de se détendre, du danger liés aux mines et des recommandations pour s’en protéger, des mesures de prévention de la transmission du VIH/sida, du risque de violences sexuelles et du comportement à adopter pour les éviter, des mesures d’hygiène à respecter pour rester en bonne santé et contrôler le risque épidémique, des conseils alimentaires pour maintenir les bébés et les enfants en bonne santé nutritionnelle, de toute menace potentielle, de tout avis utile.

Comment diffuser l’information ?

Les canaux de transmission de l’information sont variés : feuillets et brochures d’information, médias (journaux, radios, télévision, cinéma, vidéo), affiches, conférences, débats publics, divertissements publics (chanson, théâtre), services religieux et rassemblements communautaires. Ils seront choisis en fonction des possibilités matérielles, du public concerné, du type de message à délivrer, et de la portée possible de celui-ci.

Où distribuer de l’information ?

La distribution des feuillets d’information et le placement des affiches sont à effectuer dans les endroits fréquentés par la population-cible. Par exemple :

–          Les lieux principalement fréquentés par les femmes en milieu ouvert : les marchés, les centres de santé et les hôpitaux, les lieux de culte, les associations, les salons de coiffure et de beauté, etc. Dans les camps de réfugiés et de déplacés : les sanitaires, les lavoirs, les lieux de distributions de nourriture, d’approvisionnement en eau, etc.

–          Les lieux principalement fréquentés par les enfants : les écoles, les clubs sportifs et de loisirs, etc.

–          Les lieux principalement fréquentés par les hommes : les débits de boissons, les ateliers, les usines, les points de rassemblement des motos-taxi, etc.

Les divertissements publics à but d’information sont organisés dans les lieux d’affluence et sont choisis en fonction du contexte : clubs, places publiques, théâtres, salles récréatives, camps de réfugiés, etc.

Pour conclure

Depuis quelques années, les organisations humanitaires se montrent préoccupées par les répercussions psychologiques et psychosociales des catastrophes, qu’elles soient naturelles ou liées aux conflits armés. Les besoins en santé mentale des populations affectées est d’ailleurs devenue partie intégrante du plan d’urgence pour beaucoup d’entre elles. Cet article s’est attaché à décrire un des besoins les plus importants, celui d’être informé, et la manière de le satisfaire dans les contextes de crise humanitaire.

(1) Cette activité revient généralement à la Croix Rouge/Croissant Rouge, au Comité International de la Croix Rouge (CICR) et aux Services de Recherches des Sociétés Nationales.

Evelyne Josse

Evelyne Josse est psychologue, hypnothérapeute, praticienne EMDR et consultante en psychologie humanitaire http://www.resilience-psy.com/. Bibliographie : Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, 2007, Desclée De Brouwer ; Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent, 2011, De Boeck ; Interventions en santé mentale dans les violences de masse, en collaboration avec V. Dubois, 2009, De Boeck.