La Colombie, entre armée, milices et Farc…

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Ma rencontre avec Yuri…

Combattants des Farc
Combattants des Farc

Sans doute parce qu’elle s’est préparée à s’expatrier pour travailler, à partir volontairement loin de chez elle – la France, Marion Dubois (Master LEA Analyse de Crises et Action Humanitaire – Université de Savoie, sous la Direction de Marc Bulteau) a rencontré Yuri qui, elle, a en quelque sorte fait le chemin inverse. Yuri a quitté la Colombie. Certes elle n’a pas fui son pays. Elle est venue en France pour poursuivre ses études. Et regarde d’ici ce qui se passe là-bas… et se demande si elle doit, tôt ou tard, programmer un retour.

La Colombie connait, depuis les années 60, un conflit interne opposant guérillas, groupes paramilitaires, Etat, armée et trafiquants de drogue qui s’affrontent dans les villages, les rues, les maisons. Ce sont désormais les civils qui sont les plus touchés.

Entre conflit armé, luttes sociales, criminalité organisée et délinquance, se débat une population qui ne sait plus très bien comment elle a pu en arriver là. Plus de trois mois après l’élection à la tête du pays de l’héritier d’Uribe, Juan Manuel Santos, une jeune colombienne tire un bilan de la situation des droits humains et des libertés dans son pays et tente de répondre à une question : «Aujourd’hui, face aux défis qui l’attendent, que peut espérer la jeunesse colombienne?».

Yuri a 25 ans, elle fait ses études en France mais observe avec attention la situation dans son pays. Selon elle, si 69% des électeurs colombiens ont choisi la continuité en élisant Santos le 20 juin 2010, la jeunesse avait pourtant largement plébiscité l’ancien maire de Bogota, Antanas Mockus, personnage atypique s’il en est. Mais finalement, face à la corruption, les fraudes, la peur de la nouveauté et l’ignorance aussi, il était difficile de lutter.

Les années Uribe ont laissé bien des traces. En matière de droits humains surtout. Certes, la Politique de Sécurité Démocratique a permis de sécuriser le pays, principalement les routes et les grandes villes, mais dans les campagnes, on sent encore la peur, l’incertitude, et les populations rurales subissent toujours les menaces, les déplacements forcés et les exactions. Des exactions commises par les guérillas de gauche, les paramilitaires, ces milices d’extrême droite, mais également par l’Etat lui-même, dont l’armée semble redoutable. Alors certains colombiens se sentent délaissés et soumis au bon vouloir des uns et des autres.

Et quelles perspectives pour la paix ? Toutes les négociations entreprises avant Uribe avec les FARC ont échoué. Aujourd’hui, les FARC sont officiellement considérées comme «terroristes», et le gouvernement leur refuse la négociation alors que les paramilitaires profitent d’une démobilisation leur garantissant presque l’amnistie. Dans ces conditions, beaucoup de jeunes sont inquiets. Mais que faire ? La peur et le fatalisme dominent pendant que la violence, cette force qui semble incontrôlable, redéfinit le contexte même dans lequel se développe la société. Une réconciliation nationale ne semble donc pas à l’ordre du jour.

Yuri a choisi de quitter son pays. Pour un temps seulement. Pour avoir une expérience professionnelle internationale, là où en Colombie, les opportunités sont limitées. Elle repartira bientôt car elle estime qu’il y a encore des choses à tenter. Et si Santos redynamisait le marché du travail ? Et s’il arrivait à construire un meilleur système de santé et d’éducation ? Et si… ? Alors, incertitude, oui. Mais espoir aussi.
Au moment où je termine ces lignes nous apprenons que Jorge Briceno, alias «Mono Jojoy» est mort. Il a été tué lors d’une vaste opération aérienne et terrestre de l’armée fin septembre. Mono Jojoy était le chef militaire de la guérilla colombienne, un leader cruel. «Les Farc sont orphelines» assurent les spécialistes de la Colombie. La rébellion compterait encore pas moins de 8000 combattants. La mort de Mono Jojoy «offre une lueur d’espoir à la Colombie» a déclaré depuis les Etats-Unis l’ex-otage Ingrid Betancourt. Je ne suis pas certaine que cette «lueur d’espoir» suffise à Yuri pour qu’elle décide de rentrer au plus vite chez elle…

Marion Dubois

Marion Dubois

Marion Dubois est diplômé d’un Master LEA Analyse de Crises et Action Humanitaire – Université de Savoie.

Marion Dubois

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