Des niveaux inacceptables de risque urbain…

La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge met en garde contre des niveaux inacceptables de risque urbain… A l’occasion du lancement de l’édition 2010 du rapport sur les catastrophes dans le monde, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) met en garde sur le fait que les 2,57 milliards d’habitants des zones urbaines qui vivent dans des pays à faibles et moyens revenus sont exposés à des niveaux de risque inacceptables du fait de l’urbanisation galopante, d’une mauvaise gouvernance locale, de l’augmentation de la population, du manque de services de santé et, dans de nombreux cas, de la montée de la violence urbaine. Une grande partie d’entre eux est particulièrement menacée par le changement climatique.

L’une des conclusions clés du rapport est qu’entre un tiers et la moitié de la population de la plupart des villes situées dans des pays à faibles et moyens revenus vit dans des logements temporaires et qu’il est courant dans ces villes que les autorités locales refusent de mettre à leur disposition les infrastructures et les services essentiels pour réduire les risques de catastrophe.

Le rapport critique les mesures mises en place pour réduire les risques et la vulnérabilité qui, selon lui, sous-estiment l’impact des dégâts provoqués par les catastrophes sur les habitants des bidonvilles, et se contentent de mesurer l’impact que ces catastrophes ont sur les grandes économies et les infrastructures les plus importantes où les pertes peuvent être minimes du point de vue humain mais considérables du point de vue économique.

Il appelle les gouvernements et les ONG à se pencher sur la fracture qui existe entre les zones urbaines bien gérées et disposant de ressources suffisantes, et celles qui manquent de ressources, de connaissances et de la volonté nécessaires pour garantir un environnement urbain efficace.

Pour Bekele Geleta, secrétaire général de la Fédération internationale, «Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la population des zones urbaines est plus nombreuses que la population des zones rurales. Malheureusement, le monde n’a pas pris la mesure de cette évolution. Les bidonvilles et les installations temporaires n’ont jamais accueilli autant de monde, ce qui laisse augurer d’une augmentation du nombre de personnes victimes de catastrophes urbaines, à l’image du terrible séisme qui a frappé Haïti au début de cette année».

La raison de cette augmentation tient, selon le rapport, à ce que près d’un milliard de personnes vivent dans des logements insalubres sur des sites dangereux ne disposant pas des infrastructures et services nécessaires pour réduire les risques de catastrophe. Chaque année, plus de 50 000 personnes décèdent des effets des séismes et 100 millions sont victimes d’inondations. Les plus touchées sont souvent les personnes vulnérables vivant dans les zones urbaines.

«Les données disponibles ne sont pas suffisantes», a déploré Bekele Geleta. « Les statistiques officielles ne permettent pas de cerner le coût réel des catastrophes pour les foyers pauvres. Il est difficile d’évaluer ce que signifie pour une famille pauvre de perdre sa maison et tous les biens qu’elle possède dans des inondations. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne pourront jamais s’en relever.

«Des lacunes importantes existent concernant les infrastructures et services permettant de réduire les risques de catastrophes en Amérique latine, en Afrique et en Asie», a indiqué le Secrétaire général. Nous devons faire en sorte de réduire la fracture en matière de risque urbain si nous ne voulons pas que les populations de ces pays subissent les affres du changement climatique dans les années à venir.»

Une meilleure gouvernance et des données plus fiables

Un thème récurrent du rapport 2010 concerne la nécessité de mettre en place une bonne gouvernance urbaine afin de permettre aux populations d’être plus autonomes, d’être consultées et de participer au développement de leur environnement et de ne pas être marginalisées et exposées aux catastrophes, au changement climatique, à la violence et à des problèmes de santé.

Selon le rapport, un milliard de personnes vivent dans des installations ou des bidonvilles insalubres et surpeuplés. Leur nombre devrait atteindre 1,4 milliard en 2020 Il souligne également que l’Afrique, que l’on considère souvent comme rurale, compte aujourd’hui une population urbaine (412 millions d’habitants) supérieure à celle de l’Amérique du Nord (286 millions) et appelle à la compilation de donnée statistiques plus fiables concernant l’impact des catastrophes sur les zones urbaines. À l’heure actuelle, il est difficile de connaître le nombre de catastrophes urbaines, l’étendue de leur impact sur les zones urbaines ou de savoir si la tendance observée en matière de catastrophe urbaine diffère selon les régions du globe.

Des statistiques mondiales sont disponibles par le biais de la base de données du Centre de recherche sur l’épidémiologie des désastres (CRED), mais il est souvent impossible de distinguer avec précision si les régions touchées se situent en zone urbaine ou en zone rurale ou d’avoir un décompte précis pour chaque district situé en zone urbaine.

Prendre en compte les besoins des communautés

D’après David Satterthwaite, principal rédacteur de l’édition 2010 du Rapport sur les catastrophes dans le monde et chercheur à l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), «la pauvreté urbaine, l’expansion rapide de bidonvilles et le nombre croissant de catastrophes touchant des zones urbaines sont dus à l’incapacité des gouvernements locaux à prendre en compte le phénomène de l’urbanisation dans le fonctionnement de leurs institutions et des organisations d’aide humanitaire à les aider à y parvenir. De fait, la plupart de ces organisations n’ont pas ou peu élaboré de politiques concernant les zones urbaines et ont longtemps été réticentes à soutenir de manière adéquate le développement des zones urbaines.»

«Les gens qui vivent dans des villes bien gérées sont parmi ceux qui bénéficient de la meilleure qualité de vie et de l’espérance de vie la plus élevée. De manière générale, plus un pays est urbanisé et fort économiquement, plus l’espérance de vie et le taux d’alphabétisation de la population augmentent et plus celle-ci bénéficie d’une démocratie forte, en particulier au niveau local.»

«Le droit à un logement et à la terre et le droit de propriété des personnes vivant dans des bidonvilles doivent être respectés et protégés, en particulier après la survenue d’une catastrophe; le Rapport mondial sur les catastrophes dans le monde 2010 met tout particulièrement l’accent sur la nécessité de soutenir les initiatives mises en œuvre au niveau communautaire – à la fois afin d’éviter les catastrophes et d’y faire face. Malheureusement, il est fréquent que les grandes organisations d’aide au développement ne sachent pas quel soutien apporter aux organisations communautaires dans la mesure où elles ne communiquent que très rarement avec ces dernières.»

Le rapport insiste sur le fait que la manière dont les procédures de zonage et de planification sont effectuées a souvent pour conséquence d’exclure une grande partie de la population urbaine du marché foncier et affirme que la précarité et la crainte d’être expulsé sont courantes pour ceux qui vivent dans des habitations temporaires situées en zone urbaine et vulnérables aux catastrophes naturelles.

Un examen de la base de données du CRED montre que dans les régions du monde les plus urbanisées, les catastrophes naturelles font moins de décès, mais plus de dégâts en termes économiques, comme c’est le cas en Europe où 72% de la population vit en zone urbaine. En 2007, 65 catastrophes ont frappé le continent européen provoquant 1% de décès et 27% de dégâts économiques au niveau mondial.

Seuls 1 pour cent des foyers et entreprises des pays pauvres et 3 pour cent des foyers et entreprises des pays à faibles revenus ont une assurance couvrant les catastrophes, contre 30 pour cent dans les pays à hauts revenus.

Le rapport souligne, en outre, la menace constante que les expulsions forcées font peser sur les populations pauvres. Les expulsions massives ordonnées par les autorités, parfois pour au motif de projets de redéveloppement ou d’embellissement ou simplement pour se débarrasser de groupes indésirables, sont à l’origine du déplacement de millions de personnes chaque année. A Mumbaï, en Inde, plus de 400 000 personnes ont été déplacées suite à l’évacuation d’un bidonville à la fin de l’année 2004 et au début de l’année 2005 tandis qu’au Zimbabwe, 700 000 personnes ont été contraintes de quitter leurs maisons en l’espace de six semaines en mai-juin 2005. La plupart d’entre elles en sont sorties encore plus vulnérables.

Villes et changement climatique

Le type de risques auxquels une ville peut être exposée est fonction de sa situation, mais cette exposition sera plus ou moins forte selon les conditions sociales et économiques de la ville et de ses résidents. À cet égard, les pays à faibles et moyens revenus sont particulièrement vulnérables au changement climatique bien qu’ils sont ceux qui y ont le moins contribué.

À titre d’exemple, plus de la moitié des 37 villes d’Afrique comptant plus d’un millions d’habitants est située dans des régions côtières de basse altitude. À Alexandrie, en Égypte, deux millions de personnes ont été contraintes de quitter leurs maisons suite à une augmentation de 50 cm du niveau de la mer. Dans les régions situées sur la côte Est de l’Afrique, réputées vulnérables, on estime à 10% du PIB les coûts nécessaires pour permettre aux populations de s’adapter au changement climatique et aux effets grandissants des catastrophes d’origine météorologiques.

Le rapport souligne, par ailleurs, que la manière dont les procédures de zonage et de planification sont mises en œuvre a souvent pour conséquence d’exclure une grande partie de la population urbaine du marché foncier et prône l’adoption et la mise en œuvre de normes de construction adaptées au contexte local, notamment en termes de prix et de résistance à un climat extrême. Enfin, il rappelle que les habitants des bidonvilles situés en zone urbaine et vulnérables aux catastrophes naturelles vivent dans des conditions précaires et dans la crainte permanente d’être expulsés.

Violence urbaine

Les pays affichant des taux de violence élevés tendent à être confrontés à une répartition inéquitable des richesses qui est souvent citée comme l’un des principaux facteurs de risque en matière de violence urbaine. C’est en Afrique et en Amérique latine que les inégalités de revenus continuent d’être les plus fortes.

Nombre de ces Etats se caractérise également par leur incapacité à fournir des services de base ou à assurer la sécurité, à maintenir une présence sur le territoire ou à collecter des impôts. Or, lorsqu’un État ne répond pas aux attentes de ces citoyens, il perd sa légitimité et s’expose à ce que ceux-ci ne paient pas leurs impôts, ce qui peut déboucher sur des comportements antisociaux, violents ou criminels.

Fracture en matière de santé urbaine

Le rapport appelle aussi l’attention sur l’absence de services de soins dans les installations temporaires, que ce soit pour traiter les maladies contagieuses (comme par exemple les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires graves et la tuberculose) et les maladies non contagieuses telles que les maladies cardiaques et le diabète, qui sont à l’origine de 35 millions de décès chaque année et pourraient être responsables, si la tendance se poursuit, de 75% des décès d’ici dix ans.

Dans la plupart des pays en développement, les maladies contagieuses restent la première cause d’infection et de décès prématuré, en particulier chez les enfants, mais l’influence des maladies non contagieuses, notamment celles qui découlent de nouveaux modes de vie, est en augmentation Au Kenya, les populations vivant dans les bidonvilles des zones urbaines souffrent non seulement de maladies contagieuses, mais 17% d’entre elles doivent également faire face à des infections non contagieuses telles que le diabète ou l’hypertension sans pouvoir accéder à des services de dépistage ou des médicaments.

Rapport sur les catastrophes dans le monde 2010 – “Mettre l’accent sur les risques urbains”.

La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est la plus grande organisation humanitaire au monde; elle dispense son aide sans distinction de nationalité, de race, de religion, de classe ou d’opinions politiques.
Fondée en 1919, la Fédération internationale compte 186 Sociétés nationales membres, un Secrétariat à Genève et plus de 60 délégations réparties en différents points du globe où elles soutiennent les activités qui s’y déroulent. D’autres Sociétés sont en formation. Dans de nombreux pays islamiques, le croissant rouge est utilisé au lieu de la croix rouge.

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