L’engagement associatif au cœur des acteurs non gouvernementaux humanitaires

0
87
Les bénévoles en action

« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. »  — Albert Camus

Le 14 février dernier, le gouvernement français décrétait l’engagement associatif « Grande cause nationale 2014 », un label permettant aux associations « d’obtenir des diffusions gratuites sur les radios et les télévisions publiques»(1) avec l’objectif de promouvoir l’engagement associatif. Dans l’imaginaire collectif, le bénévolat concerne avant tout la solidarité locale, celle-ci faisant écho à l’image des bénévoles des Restaurants du Cœur ou du Secours Populaire. Mais les ONG connaissent aussi l’engagement associatif ;  ils sont plusieurs milliers, étudiants, actifs ou retraités, à être bénévoles d’une ONG de solidarité internationale. Grâce à leur engagement et à la diversité de leurs profils, ils nourrissent l’action humanitaire. Aujourd’hui nombreuses sont les ONG qui disposent de structures locales, véritables force de frappe militante permettant à tous les citoyens d’agir ici en France, pour aider là-bas.

Une tradition française qui traverse le temps 

Dans une enquête BVA-DREES de 2010 sur la vie associative en France(2), on dénombrait plus de 16 millions de bénévoles, un chiffre en augmentation de 32% par rapport à 2002. Parmi eux, 10% déclaraient donner de leur temps pour l’action sociale et caritative, alors que 16% participaient à des actions pour la défense de droits, d’intérêts et la promotion de causes. Si l’on observe une tendance à l’augmentation de l’engagement associatif, il n’en demeure pas moins que le mouvement associatif en France puise ses racines dans l’histoire. En effet, la plus ancienne association française exerce encore ses activités.  Il s’agit du Foyer du May — association La Miséricorde, qui vient en aide aux plus démunis depuis plus de 440 ans. Grâce à l’implication de ses bénévoles, le Foyer du May continue ses activités sans relâche depuis 1570 et traverse ainsi les siècles. La France connaît aujourd’hui une formidable vitalité associative, avec plus d’un million d’associations en activité, dont 4 sur 5  fonctionnent grâce au seul dévouement des bénévoles. Néanmoins, l’engagement associatif ne concerne pas seulement les structures de solidarité locale intervenant en France. Si le bénévolat d’action sociale est important, comme c’est le cas des bénévoles des Restaurants du Cœur ou du Secours Populaire, il est aussi des bénévoles de l’humanitaire qui œuvrent ici, en France, pour des ONG qui interviennent dans des contextes étrangers.

L’engagement associatif au cœur du dispositif humanitaire 

On peut déterminer le dispositif humanitaire comme « un ensemble d’institutions, de ressources, de discours et d’individus »(3). Les individus, comprenez vous et moi, sont donc une composante essentielle dudit dispositif. Mais pour le profane, la solidarité internationale et l’action humanitaire peuvent sembler bien complexes et le terrain d’intervention trop éloigné. Pour beaucoup, partir en mission et être en contact direct avec les bénéficiaires feraient partie de la facette la plus connue de l’engagement humanitaire. Seulement tout le monde ne peut pas partir en mission et le terrain n’est pas fait pour n’importe qui. C’est ce que rappelait l’ONG Solidarités International dans une campagne de sensibilisation présentant l’entretien d’embauche d’une jeune hippie.

Force est de constater que depuis plusieurs années une tendance à la professionnalisation des métiers de l’humanitaire est désormais un fait acquis des acteurs non gouvernementaux de l’espace humanitaire. Une professionnalisation et un professionnalisme qui s’expliquent par une « complexité accrue  des terrains d’intervention »(4), mais aussi par une exigence d’efficacité et d’effectivité des programmes vis à vis du donateur et du bénéficiaire. Les premières et secondes générations d’ONG du « sans frontiérisme » ont eu à s’adapter à un espace humanitaire de plus en plus complexe. Néanmoins ne peut-on pas dire que la raison d’être d’une ONG est d’exprimer la solidarité de la société civile ? De permettre à celle-ci de revendiquer, d’agir, d’intervenir et de dépasser le cap de l’indignation ? Cet idéal premier n’est-il pas remis en cause par cette professionnalisation ? Assurément pas, puisque les ONG ont réussi à développer des outils permettant à chaque citoyen de s’engager à leurs côtés grâce à la mise en place de structures régionales ou départementales, véritables relais des ONG au plus près du grand public.

C’est tout l’objet des délégations départementales d’Action contre la Faim, des délégations régionales de Médecins du Monde ou des antennes locales de Médecins sans Frontières. Si la sémantique diffère d’une ONG à l’autre, elles partagent toutes un même objectif : concourir aux collectes de fonds pour maintenir et développer les programmes sur le terrain, sensibiliser et mobiliser l’opinion publique. Pour cela, des événements de communication grand public et solidaires permettent à tous de savoir, de s’informer et de s’engager.

Penser l’action humanitaire comme les maillons d’une chaine

Ainsi, les bénévoles des ONG comme Médecins du Monde, Médecins sans Frontières ou Action contre la Faim s’engagent sans relâche tout au long de l’année pour promouvoir leur ONG. Du relai de la communication institutionnelle auprès des médias locaux à la mise en place d’évènements solidaires pour sensibiliser et mobiliser l’opinion publique locale, la mission du bénévole est aussi large qu’indispensable pour l’ONG qu’il représente. Qu’ils soient régionaux ou départementaux, les bénévoles de ces antennes locales participent à l’action humanitaire au plus près des citoyens. Les délégations locales doivent être comprises comme des véhicules permettant à tout un chacun de faire partie d’Action contre la Faim, de Médecins du Monde ou de Médecins sans Frontières, proposant à tous de devenir acteur de la solidarité internationale.

L’engagement associatif ici, au service des bénéficiaires là-bas.

Commençons dès lors à penser l’intervention humanitaire comme une chaine. Ab initio, se trouvent les bénévoles en France et au dernier maillon se trouvent le terrain, la mission et les bénéficiaires : deux maillons organisés et administrés par le siège de l’ONG. Si les programmes-terrain sont coordonnés par ce dernier, les délégations locales ne le sont pas moins. Les acteurs non gouvernementaux de l’action humanitaire fonctionnent selon un tandem exécutif-associatif, professionnels pour les uns et bénévoles pour les autres. Au demeurant, c’est de la diversité des profils qui les composent que les acteurs non gouvernementaux humanitaires tirent leur richesse : l’alliance du professionnalisme et du bénévolat, des interventions-terrain et du militantisme local.

(1)  AFP,  L’engagement associatif désigné Grande cause nationale , Libération, 14/02/2014.
(2) Bénévolat, Enquête sur la vie associative en France en 2010 : résultats préliminaires, Enquêtes BVA-DREES, Ministères chargés des affaires sociales et de la santé.
(3) Emil Cock, Le dispositif humanitaire : géopolitique de la générosité, Paris, L’Harmattan, 2005.
(4) Philippe Ryfman, Une histoire de l’humanitaire, Paris, La Découverte, 2008.

Dorian Dreuil

Dorian Dreuil

Diplômé en Droit et Science Politique de l’Université Toulouse I Capitole, Dorian Dreuil poursuit des études de relations internationales. Il rejoint l’ONG Action contre la Faim en 2008 alors bénévole dans la délégation de Haute-Garonne dès ses 16 ans. Il devient Délégué départemental d’ACF à Toulouse de 2012 à 2015 avant de créer la Délégation départementale de Paris donc il est depuis responsable. Depuis 2014, Dorian Dreuil est le plus jeune membre du Conseil d’Administration d’ACF où il occupe la fonction de Délégué à la Vie Associative. En 2015, il rejoint l’Humanitarian Affairs Think (Observatoire des Questions Humanitaires) de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Depuis aout 2015, il est chroniqueur (« Rendez vous en terre humanitaire ») pour l’hebdomadaire local Le Journal Toulousain. «