Les changements climatiques entraineront une augmentation considérable de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle

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 Le 31 mars dernier, le rapport du GIEC (Groupe  intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) «Changement climatique : impacts, adaptation et vulnérabilité » de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Changeconfirmait la gravité des impacts du changement climatique sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ce rapport, compilé par 310 spécialistes issus de 73 pays, souligne que même lorsque l’on se réfère aux scenarios les plus optimistes, les conséquences néfastes du changement climatique sur la sous-nutrition seront inévitables et mettront à mal les efforts actuels déployés dans la lutte contre la faim.

Les conséquences du changement climatiques sont d’ores et déjà une réalité.

Le rapport confirme que cette situation va s’aggraver du fait de l’accélération des effets du changement climatiques. Les projections les plus optimistes (+2°C  à la surface du globe) prévoient que le taux de sous-alimentation en Afrique augmentera de 25 à 90% d’ici à 2050(1). Cela est d’autant plus alarmant qu’aujourd’hui 842 millions de personnes dans le monde souffrent encore de la faim, 180 millions d’enfants sont victimes de malnutrition 8000 enfants(2) en meurent chaque jour.(3)

Cette situation traduit un paradoxe douloureux : ceux qui contribuent le moins au réchauffement climatique sont ceux qui en paieront le plus lourd tribut alors même que leurs capacités de réponse sont souvent limitées voire inexistantes. Les effets du changement climatique (températures élevées, augmentation du niveau de la mer, variations des régimes pluviométriques, perturbations des écosystèmes et des évènements climatiques plus fréquents, plus extrêmes et imprévisibles) augmentent le risque de crises alimentaireset nutritionnelles en exacerbant les déterminants de la sous-nutrition dans les secteurs de la sécurité alimentaire, l’eau, l’hygiène et l’assainissement, ainsi que la santé et pratiques de soins(4).

Le changement climatique va entrainer une baisse de la disponibilité alimentaire, de l’accessibilité et de l’utilisation de la nourriture. D’après le GIEC, les rendements des principales céréales (blé, riz, maïs) vont diminuer(5), allant jusqu’à une chute de 22% dans les régions sub-sahariennes. Le secteur de la pêche sera également très affecté. En conséquence, la production alimentaire mondiale chutera de 2% par décennie, alors qu’à la même période, la demande augmentera de 14%  du fait de la croissance démographique. Ceci entrainera une hausse des prix des denrées alimentaires et une forte variabilité . Autant de facteurs qui entraîneront une dégradation de la sécurité alimentaire.

La quantité et la qualité des ressources en eau, déjà sous-tension, seront également affectées négativement. Les variations importantes des températures, des précipitations et de l’humidité auront pour effet d’augmenter la prévalence des maladies à transmission vectorielle(6) qui affaiblissent le statut nutritionnel. De plus, la concurrence sur les ressources en eau accentuera les risques de conflits et les flux migratoires, des phénomènes qui favorisent la dégradation de la situation nutritionnelle.

En ce qui concerne la santé, le journal scientifique « The Lancet »(7), considérait en 2008 le changement climatique comme la plus grande menace sanitaire mondiale du 21e siècle. Certaines pathologies comme les maladies diarrhéiques, le paludisme ou la dengue, toutes trois très liées au climat, vont augmenter. De plus, le changement climatique entraine bien souvent une augmentation de la charge de travail des femmes, ce qui diminue leurs capacités à fournir des soins appropriés aux nourrissons et aux jeunes enfants, une des causes majeures de la sous nutrition(8)

Les efforts de réductions des émissions de gaz à effet de serre doivent être renforcés afin de rester en deçà des 2 degrés de réchauffement. Il est également urgent que les pays s’accordent sur des mesures qui  permettent aux populations les plus fragiles de s’adapter et de faire face aux conséquences du changement climatique. Dans le cadre de la préparation de la COP 21(9) qui se déroulera à Paris l’an prochain, il est urgent que les négociateurs, français en particulier, accordent plus d’importance aux questions d’adaptation au changement climatique, aux effets annoncés sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle et à la prévention et la réponse aux catastrophes humanitaires dont les experts du GIEC ne manquent pas de nous aviser.
(1) Lloyd, S. J., Kovats, R. S., & Chalabi, Z. (2011). Climate Change, Crop Yields, and Undernutrition: Development of a Model to Quantify the Impact of Climate Scenarios on Child Undernutrition. Environmental Health Perspectives, 119
(2) Lancet, 2013, Maternal and child nutrition series
(3) FAO, 2013, The State of  Food Insecurity in the World 2013
(4) M.C Tirado et al, 2013,Climate change and nutrition: creating a climate for nutrition security. Food and Nutrition bulletin, vol.34, no.4.
(5) World Bank. 2013. Turn Down the Heat: Climate Extremes, Regional Impacts, and the Case for Resilience. A report for the World Bank by the Potsdam Institute for Climate Impact Research and Climate Analytics. Washington,  DC:World Bank
(6)World Bank.2012. Turn Down the Heat: why a +4°C warmer world must be avoided. A Report for the World Bank by the Potsdam Institute for Climate Impact Research and Climate Analytics.Washington, DC:World Bank
(7) Costello et al. (2009) Managing the health effects of climate change. The Lancet 373: 1693–733
(8) ACF, Faim et malnutrition, conséquences trop oubliées des changements climatiques.
(9) 21 eme Conférence des parties de la convention cadre des Nations-Unies