Les petites frimousses de créateurs : les poupées de l’espoir

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« Je vous rappelle que c’est une vente de charité et non un défilé » fait remarquer d’un ton amusé Maître Pierre Cornette de Saint Cyr en voyant s’installer des femmes en tailleur Prada, Chanel ou Chantal Thomass. Nous sommes le 13 décembre 2011 et la salle des ventes Drouot Montaigne à Paris accueille des riches parisiennes, des collectionneurs japonais et de simple curieux pour une vente aux enchères unique en son genre.
 
Derrière l’estrade, Laeticia Hallyday tient le maillet du commissaire priseur : elle représente l’UNICEF pour une séance de vente aux enchères solidaires baptisées « Frimousses de créateurs ».

L’événement caritatif a été crée en 2003 par l’UNICEF et associe le monde de la mode et de l’art à l’engagement humanitaire. Chaque année de prestigieux créateurs, joailliers et artistes imaginent et créaient des poupées de tous styles. D’abord exposées au Petit Palais, elles sont ensuite vendues aux enchères dans la salle des ventes Drouot Montaigne. La somme collectée durant cette vente permet la vaccination d’enfants au Darfour dans l’Ouest du Soudan affectée par la famine et des conflits.

Jacques Hintzy, Président d’UNICEF France, a aussi expliqué que 167 écoles semi-permanentes ont été construites à Haïti grâce aux dons de l’année précédente qui s’élève à 286 500 euros. « Deux ans après, les problèmes ne sont toujours pas résolus » souligne-t-il en début de séance. Laeticia Hallyday, marraine de cette opération caritative, rajoute : « en une soirée on peut récolter tellement et sauver des enfants qu’on a oublié mais qui nous donne de belles leçons de vie ». Il faut rappeler que l’opération a pour ambition de mettre en lumière des droits fondamentaux de l’enfant : le droit à la sante et à l’éducation via la participation aux campagnes de vaccination et à la construction d’établissements scolaires mais également le droit à l’identité, symbolisé par la carte d’identité de chaque frimousse.

Sous un angle innovant, les artistes ont ainsi revisité la poupée d’enfance avec comme ligne directrice pour l’année 2011 le thème de la Nature. La poupée en macarons de Pierre Hermès ouvre le bal et trouve un acquéreur pour mille euros en quelques secondes. Au deuxième rang, un père offre à son fils l’œuvre de Jean-Charles de Castelbajac : une affiche reprenant des classiques de la bande dessinée dont Tintin et Mickey. Un cadeau solidaire à deux milles cent euros que le petit garçon s’empresse d’admirer. S’ensuivent Givenchy, Chanel, Dolce & Gabbana, Sonia Rykiel et plusieurs autres createurs. Chantal Thomas présente une œuvre légère et espiègle : une poupée en pétales de rose. La poupée de Louis Vuitton monte à dix milles euros : sur le modèle d’une poupée Barbie, elle est accompagnée d’un vrai mini sac de la célèbre marque. Un geste qui montre que les grands créateurs sont indispensables à la réussite de l’événement.

Poussant à la surenchère, Maître Pierre Cornette de Saint Cyr qui anime la séance s’exclame « Cents euros, ca fait cents vaccins » comme pour convertir le luxe du prix déraisonnable des frimousses en des gestes humanitaires concrets et mobilisateurs. Peut on sincèrement associer deux mondes que tout semble opposer, le luxe et la solidarité ? « Frimousses de Créateurs » n’est pas une action isolée de vente aux enchères qui se transforme en action de solidarité : en 2010 des créateurs ont également bradé leurs plus belles pièces pour lutter contre le sida lors de l’opération « Les créateurs ont du cœur ».

A l’arrivée de Johnny Hallyday puis de Salma Hayek, l’attention des photographes n’est tout d’un coup plus aux poupées. Il est évident que le luxe et la jet set sont les éléments clefs de la réussite du projet. Lorsqu’une jeune iranienne murmure « Elle se rend compte que c’est le prix d’un sac Hermès ? » en désignant une toute nouvelle acheteuse et donatrice, on comprend que le prix extravagant des poupées et l’acte symbolique qui émerge de cet achat ne semble pas toucher tous les amateurs du luxe.

Alors un sac Hermès ou une petite frimousse de créateur ? Arts et humanitaire à Drouot ont fait bon ménage ce 13 décembre. A votre bon coeur, Mesdames ! Vous faites un bon investissement…

 

Céline Tewa

Céline Tewa

Céline Tewa est juriste de formation. Actuellement étudiante à la Faculté d’Evry (Master 2 – Coopération et Solidarités internationales), elle a effectué des stages notamment à World Vision ou au sein de l’Ong The Banyan (Inde). Elle dirige la rubrique Arts & humanitaire de Grotius International.