Les principes humanitaires sont-ils toujours pertinents ?

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L’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance : voici quatre principes fondamentaux de l’action humanitaire. Peut-on donc dire que, au-delà de l’éthique, le respect de ces principes est une sécurité pour les ONG ? Serait-ce là une garantie ultime de venir en aide sans être remis en cause ou subir des représailles ?

A l’unanimité, les intervenants de ce débat expliquent que le respect de ces principes n’est pas une assurance-vie, comme en témoignent les agressions, kidnapping ou meurtres qu’ont pu subir certaines ONG. Ces principes ne sont toutefois qu’une « base », une base permettant de négocier. Tout comme nous négocions un achat immobilier avec un apport financier, ou un sourire avec un compliment, nous négocions également  l’aide humanitaire.
Si ces principes humanitaires ne sont pas une assurance-vie, ce sont à tout le moins des garanties pour entamer de bonnes et sereines négociations. Ils ne sont rien d’autre qu’un symbolique calumet de la paix permettant à divers acteurs de se réunir et d’avancer ensemble vers des intérêts communs, car tout est une question d’intérêt. En effet, une ONG humanitaire va avoir pour intérêt de sauver des vies. Pour cela elle va négocier avec divers acteurs (Etats, bailleurs, belligérants…). Chaque acteur ayant un intérêt propre à traiter avec une ONG, que celui-ci soit l’utilité, l’apport de ressources financière ou encore une médiatisation.

Mais comment négocier sur une même base quand on ne parle pas la même langue, quand on n’a pas les mêmes traditions, ou tout simplement pas les mêmes bases ?

Une base n’est pas par essence universelle ! Si nous vivons à une époque où les frontières tombent, les limites sont parfois plus profondes. Savoir se nourrir est une base mais une base toutefois relative. En effet, celle-ci va diverger selon le pays, la coutume, la tradition. Dans certains pays, les tabous alimentaires interdisent l’absorption d’œufs, de peur de rendre aveugles les enfants ou infertiles les femmes. Mais dans d’autres, la soupe aux ailerons de requin serait un mets permettant notamment de ralentir le vieillissement.

Peut-on donc réellement entamer des négociations sur une base qui n’est pas universelle ?
Il nous apparait évident que ces principes sont les prémices pour qu’une ONG puisse mener une action humanitaire à bon terme, mais s’agit-il vraiment d’une évidence ? Après tout, mener une action humanitaire est-elle une action de bon sens au regard de tous ? La protection des droits et libertés est-elle aussi unanimement partagée ? Cela nous ramène à un questionnement profond. Les droits de l’Homme sont-ils un concept universel ? Les droits et libertés que nous défendons à travers les actions humanitaires relèvent-ils de concepts érigés par l’Occident ? On parle de Déclaration des droits de l’Homme, de Convention Européenne des droits de l’Homme, des Conventions de Genève… Mais si on en revient aux sources, ces concepts sont tout simplement des principes occidentaux. Peut-on, de ce fait, imposer comme vérité, comme justice une vision occidentale ? Il en va de même pour nos principes humanitaires. Principes qui répondent à une vision occidentale. Mais comment traduire ces termes dans une langue, une tradition, une culture ou histoire différentes de la nôtre ? Sommes-nous en droit de débuter des négociations sur une base que nous posons unilatéralement ? Peut-on transmettre ces valeurs à d’autres acteurs ? Peut-on réellement les expliquer ? Ont-ils seulement un sens unique ?

La neutralité, l’humanité, l’impartialité, l’indépendance

 Chacun a une idée du sens de ces termes, mais une idée propre et non commune. Ces principes ne sont que des mots qui peuvent recouvrir divers sens selon le contexte, le pays ou l’acteur à qui on les expose. Mais au-delà des mots, c’est une volonté qu’ils posent, une volonté de s’accorder, une volonté d’obtenir une légitimité, un respect pour pouvoir avancer ensemble. Car toute société, toute situation a besoin d’être régie par des bases pour pouvoir se développer. C’est le fondement même des premières lois, ou avant cela des religions. Régir une situation pour que les intérêts individuels se regroupent et tendent vers un but commun.

En ce 12 mars 2014, est-il donc encore pertinent d’appliquer de tels principes humanitaires puisqu’ils ne sont pas une sécurité contre la violence des conflits, puisque leur caractère universel peut-être remis en cause? La réponse est affirmative. Ces principes restent pertinents car ils sont la base de négociations qui regroupent les intérêts individuels vers un intérêt général qui est celui de sauver des vies.
Toutefois, si ces principes sont pertinents, cela ne les met pas à l’abri de critiques ou d’une future évolution. Car le progrès est au futur ce que l’humanisme est à l’action humanitaire, la base même.

Tracy Eustache

Tracy Eustache

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