L’Incroyable Afrique de Pascal Maître…

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Incroyable Afrique, par Pascal Maître

Afrique plurielle, miraculeuse Afrique… Pascal Maître a parcouru le continent avec son appareil photo. Aujourd’hui sort un très beau livre : « Incroyable Afrique ». Le journaliste Edmond Sadaka a rencontré ce grand chasseur d’images et d’instants…

Edmond Sadaka: Comment est née chez vous cette passion pour le continent africain ?

Pascal Maître: Un peu par hasard. En 1978, alors que je cherchais du travail, l’hebdomadaire Jeune Afrique a été le premier à répondre à mon courrier. Le rédacteur en chef à l’époque était l’écrivain Amin Maalouf, c’est lui qui m’a embauché. Pendant trois au quatre ans, j’ai parcouru le continent avec des journalistes africains qui connaissaient parfaitement ces pays. J’ai donc été initié à l’Afrique avec eux, sans « filtre » occidental. J’ai découvert  dans un premier temps la Guinée Équatoriale, le Burundi, le Rwanda… De manière progressive, j’ai pu nouer des contacts. J’ai été aussi (et surtout) séduit par des histoires fortes qui m’ont bouleversé et qui m’ont donné envie de poursuivre ma découverte de ce contient.

E.S: Quel a été le fil conducteur pour le choix des images de cet ouvrage « Incroyable Afrique »?

P.M: J’ai sélectionné des photos issues des différents reportages que j’ai traités pour les magazines pendant ces trente dernières années. J’ai tenu à ce que plusieurs thèmes se dégagent, comme les traditions, l’environnement ou les conflits. Beaucoup de photos (la plupart) mettent l’accent sur cette force incroyable qu’ont la plupart de ceux que j’ai pu croiser, leur volonté d’aller de l’avant, de ne jamais renoncer. J’ai aussi voulu à travers ce choix de photos  rendre l’image d’une Afrique plurielle.

E.S: Beaucoup de photos ont été prises en Somalie. C’est un pays dans lequel vous êtes allé à de nombreuses reprises ? Quelle a été votre motivation ?

P.M: La première fois que je m’y suis rendu c’était en 2002. J’avais eu la chance de pouvoir y rester un peu plus de deux semaines ce qui est beaucoup. La plupart des journalistes ne restent que quelques jours et les gens là-bas le savent bien. Quand vous restez plus longtemps, il y a la suspicion que vous n’êtes pas un journaliste et ça peut devenir dangereux. Durant ce premier séjour, tous ceux que je rencontrais me posaient la même question : « pourquoi on nous abandonne ? Pourquoi personne ne vient nous voir ? » Alors je me suis souvenu de ces questions. Et j’y suis retourné à de nombreuses reprises. Cela m’a permis aussi de m’habituer au danger et de mieux l’apprivoiser et  d’approfondir tout un réseau de contacts.

Le photographe Pascal Maître
© Edmond Sadaka

E.S: Dans la préface, vous rendez hommage à ceux que l’on appelle « les fixeurs »  notamment dans un pays dangereux comme la Somalie.

P.M: Vous savez, l’acte de photographier est assez simple… le plus dur c’est d’avoir accès aux choses. Les « fixeurs », ce sont les intermédiaires locaux qui prennent pour nous les contacts, qui nous obtiennent des rendez-vous, des autorisations de photographier. Dans les zones dangereuses, on ne peut pas se passer d’eux. Nous leur devons beaucoup, souvent ils prennent des risques. Sans eux, beaucoup de reportages n’auraient pas pu se réaliser. C’est pour cela que j’ai tenu à leur rendre hommage.

E.S: Vous avez l’habitude de dire que vous aimez raconter « l’histoire » des gens que vous photographiez. Est-il difficile de leur faire accepter l’appareil photo ?

P.M: J’ai toujours eu l’habitude de beaucoup parler avec les gens, de m’intéresser à eux. Lorsqu’on adopte naturellement cette démarche, les gens s’habituent assez rapidement à vous et vous laissent travailler. Ils oublient l’appareil photo. Et plus les situations sont cruelles, plus ils ont besoin de témoigner de ce qui arrive, de crier. J’ai par exemple travaillé sur la famine en Ethiopie en 1984, Mengistu ne voulait pas qu’on en parle. Lorsque je suis arrivé dans un camp de réfugiés éthiopiens – et alors que des dizaines d’enfants mourraient de faim tous les jours – les mamans me tiraient par le bras pour me montrer leur fils ou leur fille qui était en train de mourir. Les gens savent que si vous êtes là on va savoir ce qu’ils vivent. A Paris on me demande parfois (et à tort selon moi) comment je peux tu faire de telles photos, que c’est du voyeurisme etc. C’est uniquement quand on est loin que l’on perçoit les choses comme cela.

Incroyable Afrique – Éditions  Lammerhuber, 348 pages – 49,90€

 

 

Edmond Sadaka

Edmond Sadaka

Edmond Sadaka est journaliste.

Edmond Sadaka

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