Théorie du drone

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La théorie du DroneLe drone militaire est l’instrument d’une violence à distance, où l’on peut voir sans être vu, toucher sans être touché, ôter des vies sans jamais risquer la sienne. Cette forme de violence télécommandée, qui à la fois supprime le face-à-face et fait éclater la distance impose de repenser des concepts apparemment aussi évidents que ceux de combattant (qu’est-ce qu’un combattant sans combat ?) ou de zone de confit (où a lieu, une telle violence, écartelée entre des points si distants ?).

Mais, plus radicalement, c’est la notion de  » guerre  » qui entre elle-même en crise : le drone est l’emblème de la  » chasse à l’homme préventive « , forme de violence qui débouche, à mi-chemin entre guerre et police, sur des campagnes d’exécutions extrajudiciaires menées à l’échelle globale.

Cette tentative d’éradication absolue de toute réciprocité dans l’exposition à la violence reconfigure non seulement la conduite matérielle de la violence armée, techniquement, tactiquement, mais aussi les principes traditionnels d’un ethos militaire officiellement fondé sur la bravoure et l’esprit de sacrifice. Car le drone est aussi l’arme du lâche : celle de ceux qui ne s’exposent jamais.

Cela n’empêche pourtant pas ses partisans de la proclamer être l’arme la plus éthique que l’humanité ait jamais connue. Opérer cette conversion morale, cette transmutation des valeurs est la tâche à laquelle s’attellent aujourd’hui des philosophes américains et israéliens qui œuvrent dans le petit champ de l’éthique militarisée. Leur travail discursif est essentiel pour assurer l’acceptabilité sociale et politique de cette arme. Dans ces discours de légitimation, les  » éléments de langage  » de marchands d’armes et de porte-parole des forces armées se trouvent reconvertis, par un grossier processus d’alchimie discursive, en principes directeurs d’une philosophie éthique d’un nouveau genre – une « nécroéthique », dont il est capital de faire la critique.

SOMMAIRE
Prélude — 9
Introduction — 21

I. Techniques et tactiques — 33 1.
Méthodologies de l’environnement hostile —
35 2. Généalogie du Predator — 41 3.
Principes théoriques de la chasse à l’homme —
47 4. Surveiller et anéantir —
57 5. Analyse des formes de vie —
69 6. Kill box — 79 7. Contre-insurrection par les airs —
91 8. Vulnérabilités — 109  
II. Ethos et psychè —119 1.
Drones et kamikazes — 121 2.
« Que les autres meurent » — 131 3.
Crise dans l’ethos militaire — 137 4.
Psychopathologies du drone — 151 5.
Tuer à distance — 162  
III. Nécroéthique — 177 1.
L’immunité du combattant — 179 2.
L’arme humanitaire — 190 3.
Précisions — 197  
IV. Principes de la philosophie du droit de tuer — 211 1.
Les meurtriers indélicats — 213 2.
La guerre hors de combat — 220 3.
Licence to kill — 231  
V. Corps politiques — 241 1.
À la guerre comme à la paix — 243 2.
Militarisme démocratique — 254 3.
L’essence des combattants — 269 4.
La fabrique des automates politiques — 285
Épilogue.
De la guerre, à distance — 309
Notes — 316

 

Grégoire Chamayou

Grégoire Chamayou

Grégoire Chamayou est actuellement post-doctorant au Max Planck Institut (Berlin). Il a soutenu en 2007 à l’Université de Paris 7- Diderot sous la direction de Dominique Lecourt, une thèse intitulée : « Les corps vils – Éthique et politique de l’expérimentation humaine aux XVIIIème et XIXème siècles ».

Grégoire Chamayou

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