Triste printemps : désillusion et faim pour les réfugiés tunisiens en France… Bravo Sarko !

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Près de 25.000 Tunisiens auraient quitté leur pays depuis le 14 janvier et le départ de l’ancien président Ben Ali. Depuis quelques semaines, plusieurs centaines d’entre eux s’entassent dans des squares ou sous des ponts parisiens. Ils ont quitté leurs familles, leurs maisons, pour tenter leur chance en France.

« J’ai fait toutes les manifestations depuis décembre. Je me suis fait tirer dessus par la police tunisienne, j’ai vu des amis mourir sous mes yeux. Alors je suis venu voir ce que c’était la démocratie. Et regardez dans quelles conditions je vis ». Achraf a tout juste 17 ans et désigne du doigt les cabanes en tôle dans lesquelles il dort depuis quelques semaines sous le périphérique parisien. Pour y accéder, il faut se faufiler entre les barrières de chantier, escalader un monticule de pierre et de détritus, se rapprocher de la route.

Comme lui, la plupart de ces 350 Tunisiens qui squattent  ce square de la porte de la Villette viennent de Zarzis, dans le sud du pays.  Le matin, il part avec Haythem, prendre une douche porte de la Villette. Tous deux sont mineurs et espèrent trouver une formation en pâtisserie-boulangerie. « C’est ce que fait mon père en Tunisie, c’est ça que je veux faire. Mais il n’y a pas d’espoir en Tunisie. Dans quelques années, je rentrerai chez moi, quand la situation économique se sera améliorée », explique Haythem, en jouant avec son téléphone. D’autres commencent déjà à regretter les dangers de la traversée, l’énergie et l’argent dépensés dans ce long voyage.

Fethi Ghedas vient inscrire leurs noms sur une liste, avec tous les autres mineurs. « On ne peut pas les laisser ici, dans ce square, à ne rien faire, plus longtemps. Il faut qu’on les renvoie à l’école, qu’ils aient une formation. L’association France Terre d’Asile va les prendre en charge. Ils ne peuvent pas rester au milieu des poubelles, à dormir à même le sol ». L’homme habite en France depuis 28 ans. Normalement, il est marbrier.

Mais depuis 15 jours, il passe ses journées ici, avec eux pour les aider. « Il faut organiser la collecte d’argent avec la communauté tunisienne, préparer les repas et venir faire la distribution le soir. Il faut surveiller aussi ceux qui sont malades, ceux qui n’ont pas le moral. La situation pourrait s’embraser très facilement. Ils se sont battus pour faire tomber Ben Ali, ils sont très courageux, mais ils sentent bien que la France ne veut pas d’eux. »

A ses côtés, Miladi Mouldi s’éponge le front et tente de calmer la foule. La colère commence effectivement à monter, la nourriture manque et la chaleur chauffe les esprits. « J’ai organisé le regroupement de tous les réfugiés tunisiens dans ce square pour qu’on puisse mieux les aider. Mais on ne peut pas tout faire. La situation humanitaire est vraiment honteuse», s’inquiète-t-il.

Vers 18h, Médecins du Monde et France Terre d’Asile viennent effectuer le recensement des personnes malades ou fragiles. Certains partiront ce soir dormir au Samu Social. C’est la seule solution trouvée, et c’est loin d’être viable sur le long terme.

L’heure du repas approche. La foule d’homme se resserre, le nombre grossit. La tension monte encore d’un cran. Et ne descendra pas. En effet, les associations ne viendront pas ce soir assurer la distribution alimentaire. Et ce, malgré la demande de la Mairie de Paris. La situation politique est trop tendue, même la Croix-Rouge n’ose pas intervenir. Les responsables du DAL viennent aux nouvelles, mais ne savent pas plus comment interagir. Pour la nourriture, c’est l’association « La Chorba » qui aurait dû venir. Mais rien n’est organisé concrètement et chacun décide de son côté d’intervenir et comment. Parfois, la nourriture pourrit dans les cartons. Apportée en excès, les réfugiés sont contraints de gâcher. Les autres jours, chacun compte sur son voisin pour le ravitaillement et les Tunisiens restent le ventre vide.

Ce soir donc, il faudra se contenter des quelques baguettes, yaourts et autres packs de lait qu’apportent des voisins dépités. A chaque ouverture de coffre, c’est le même refrain, les premiers se jettent sur les quelques provisions et repartent aussi vite dans leur coin avec leur butin.

Il est 23 heures passées. Malgré ses 17ans tout juste, Mohammed est encore au milieu du groupe. Il a bien trop peur de Paris pour s’éloigner de ses amis. « Je suis un réfugié humanitaire, je n’ai plus d’autre terre qu’ici. Comment est ce que je peux faire pour rester? » répète-t-il à tous ceux qui l’approchent.

Le froid se fait plus insistant, certains remontent leur col, beaucoup sont encore en tee shirt et frissonnent. Petit à petit, la foule se disperse, certains sont emmenés vers un hébergement d’urgence par des associations. D’autres ont trouvé refuge dans une mosquée à Massy Palaiseau.

Ceux qui restent doivent partir vite. Se cacher pour éviter la patrouille de police qui interviendra bientôt pour arrêter les moins chanceux. Chacun s’installe alors dans son coin en attendant le sommeil. Quelques heures de répit avant une nouvelle journée de galère.

 

 

 

 

 

 

Edith Bouvier

Edith Bouvier

Edith Bouvier est journaliste indépendante, envoyée spéciale en Irak.