Affaires tristement étrangères…

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Mais où est la politique étrangère dans la campagne électorale française ? C’est à croire qu’une grande nation européenne peut en faire l’économie. L’ensemble du spectre politique semble avoir abdiqué.

Non, il n’est apparemment pas utile de présenter aux électeurs une réflexion un tant soit peu structurée des relations que la France devrait entretenir avec le monde. Pour le gouvernement en place, les « affaires étrangères » servent essentiellement à nourrir de bien minuscules débats intérieurs. Quant aux oppositions, à droite et à gauche, elles se drapent dans des postures de principe, en attendant d’éventuellement gagner les élections et d’aviser.

L’écrasement méthodique de l’insurrection syrienne ? Il est bien utile pour faire valoir ou disqualifier les antécédents du président Sarkozy. La paralysie débilitante de l’Union européenne ? Elle profite à ceux qui veulent détricoter nos banques, comme à ceux qui affirment qu’il faut les protéger. L’effondrement du capitalisme financier mondial ? Nos riches. La Chine ? Nos usines. L’Afrique ? Nos banlieues. La révolution de l’Islam ? Nos cantines. L’Otan ? Le McDonald’s du coin de la rue.

C’est peut-être ça, la crise de « l’identité nationale » : une élite politique qui gère la politique étrangère au jour le jour, au gré des intérêts électoraux ou des lubies individuelles. Et un électorat gavé de simplisme télévisuel, qui ne voit plus le reste du monde que comme l’incarnation de sa culpabilité ou de ses rêves de domination.

Dans le vide doctrinal où s’agite la campagne électorale, personne ne se hasarde à parler tout haut des questions majeures de notre temps : le « droit d’ingérence » et les souverainetés nationales, la sécurité internationale et les nouvelles formes de la guerre, les puissances émergentes et la recomposition de l’échiquier mondial… Absente de l’école et du débat public, la politique étrangère française ne tient donc plus que suspendue au fil fragile d’un moralisme médiocre. Alors, ne nous étonnons pas que la population manifeste un jour contre l’impérialisme américain et, le lendemain, accuse l’Occident de se laver les mains des souffrances des opprimés. Et que nombre de nos ambassadeurs fassent leur petit métier dans leur coin, dans l’opacité la plus totale et le mépris de la populace, au gré des calculs complexes de quelques énarques.

Que nous est-il donc arrivé, pour que nos relations avec autrui soit devenues des monologues devant un miroir ? Il faut que nous soyons bien désemparés pour ne plus avoir d’opinion que sur nous-mêmes.

Léonard Vincent

Léonard Vincent

Léonard Vincent est journaliste, ancien responsable du bureau Afrique de RSF.
Il est l’auteur du récit « Les Erythréens » paru en janvier 2012 aux éditions Rivages.

Léonard Vincent

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