Une main tendue à un enfant du bout du monde

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En Afrique, le parrainage d’enfants par des occidentaux, mais pris en charge par des associations locales, est une voie sûre vers l’éducation et un travail. Les résultats le prouvent. Coup de projecteur sur une forme d’engagement simple… 

 « L’envie d’offrir un avenir décent à un enfant. » « Se sentir utile avec un parrainage. » « Rendre cette chance que j’ai eu d’être bien né. » Les témoignages des parrains le montrent : la volonté de parrainer un enfant naît souvent d’une longue réflexion. On ne s’y aventure jamais par hasard : il s’agit d’un engagement sur le long terme, du plus jeune âge jusqu’à la majorité de l’enfant.

De nombreuses associations en Europe proposent de parrainer un garçon ou une fille originaire du continent africain. Sur place, les enfants, qui ont besoin d’un soutien, sont très nombreux. Le parrainage est une solution adéquate sur le long terme qui arrange les deux parties concernées. L’argent reçu chaque mois du parrain – les sommes varient entre 10 et 30 euros – permet de scolariser l’enfant et de payer les fournitures et les vêtements dont il a besoin. Tout en pouvant lui assurer un suivi sanitaire et de le soigner, en cas de maladie.

Si les parrains s’engagent sur plusieurs années, peu d’entre eux arrêtent, enthousiasmés et ravis par les résultats obtenus. C’est ainsi que l’association Partage Tanzanie  – qui a aidé plus de 16 000 orphelins, dans le Nord-ouest de la Tanzanie, depuis le début des années 1990 – possède à 80% les mêmes parrains depuis le lancement du programme. Ce dernier est, qui plus est, reconnu par le Centre français de protection de l’enfance (CFPE) qui assure, pour l’ONG, la relation avec les parrains depuis Paris. Le CFPE travaille ainsi avec une demi-douzaine d’autres pays africains.

L’un des avantages du parrainage d’enfants pour les associations européennes est en effet de disposer de partenaires ou de relais sur le terrain : elles leur font confiance en raison de leur connaissance et expérience du milieu dans lequel ils travaillent. Elles ne s’ingèrent pas dans le travail effectué, même si elles réalisent des missions d’observation. Ce volet local séduit les parrains, heureux de soutenir des travailleurs sociaux d’un village ou d’une région travaillant à son développement avec des méthodes qui leur sont propres. Pour Partage (www.partage.org), association basée à Compiègne et créée en 1973 pour aider les enfants durant la guerre du Vietnam, il est légitime de faire appel à une association locale : « La mission de Partage concerne l’approche globale de l’épanouissement de l’enfant, qui mieux que des associations locales du pays peuvent y répondre ? ».

Le parrainage a l’avantage de donner une visibilité sur du long terme, et permet à l’enfant et à son entourage – tante, oncle ou grands-parents dans le cas d’un orphelin de père et de mère – d’acquérir une certaine sérénité. Ils savent que les années d’école primaire et secondaire sont prises en charge. L’enfant peut donc se consacrer pleinement à ses études. Le parrain, lui, est informé entre deux et quatre fois par an par courrier des résultats scolaires et de l’état de santé de son filleul. « Ces petits courriers sont pour lui une véritable fête et un précieux soutien moral », n’hésite pas à dire à ses parrains l’association Partage.

Le parrainage, c’est aussi une ouverture pour les parrains, sur une autre culture notamment. Les frontières mentales tombent. Michèle est l’une des marraines d’Esafro , une association militant pour l’éducation dans la région de Zinder au Niger. « Au début, je me suis engagée à donner un peu d’argent, jusque-là c’était assez facile, se rappelle-t-elle. Ensuite, j’ai commencé à correspondre avec ma filleule, timidement et doucement. Sans savoir quoi lui écrire. Plus je lui écrivais et plus elle me répondait. Et plus j’avais de choses à partager. Rapidement, il s’est créé un vrai lien affectif entre nous. » De quoi en motiver certains, de passer de un à deux voire trois parrainages.

Pour les enfants, le parrainage revêt une opportunité d’avoir accès à des infrastructures rares ou inexistantes dans leur pays. A Madagascar, l’association School  cherche à améliorer les conditions de l’éducation dans la région de Manakara. Avec l’argent des parrainages, School a pu construire plus de 50 salles de classe, des logements pour les enseignants tout en les salariant. Des puits ont été creusés pour apporter l’eau potable. Au total, plus de 1 500 enfants issus de 350 familles sont sponsorisés et scolarisés. Sans l’aide de School, il aurait été difficile pour ces enfants de s’asseoir sur des bancs d’écolier.

A la fin de leurs études et pour ceux ayant réussi à trouver un travail, la gratitude des ex-enfants parrainés est immense envers l’association. Le cordon ne se coupe jamais réellement. Au Ghana, Plan, grande association d’aide à l’enfance, cite en exemple Christiana, devenue employée de banque dans l’Est du pays grâce à des bourses obtenues successivement par Plan pour ses études secondaires et universitaires. Christiana n’a pas oublié l’aide qu’elle avait reçu puisqu’elle milite au sein d’une association pour la reconnaissance des droits de l’enfant en zone rurale.

Enfin, cerise sur le gâteau et moment inoubliable : la rencontre. Il arrive en effet que le parrain succombe à l’envie d’aller voir par lui-même sur le terrain. Michèle, la parraine d’Esafro, qualifie ainsi son voyage au Niger d’« une immense chance » où elle a pu mesurer « la joie de vivre » des enfants. A Madagascar, ce sont les parrains français de l’association School qui repartent émus et parfois bouleversés, déterminés à faire davantage pour l’organisation. Marie, marraine d’une petite fille vivant dans un village perdu au milieu de la forêt entourant Manakara, a ainsi eu ses mots au retour de la visite rendue à sa filleule : « Les échanges de regards, de sourires, entre des personnes à la fois si différentes et si proches, réunies grâce au travail d’une association, étaient beaucoup plus riches que des paroles ».

 

Arnaud Bébien

Arnaud Bébien

Arnaud Bébien est journaliste (Tanzanie)